Alors que l’histoire des femmes semble s’accélérer, il s’agit de s’arrêter sur un des épisodes les plus étonnants, écrit au siècle dernier par des femmes issues du mouvement ouvrier, les anarchistes espagnoles. Ces femmes adhèrent à l’anarcho-syndicalisme, un courant politique et syndical si puissant en Espagne qu’il donna lieu, de 1936 à 1937, à une expérience unique de communisme libertaire sous la IIe République espagnole (1931-1939) : le Conseil d’Aragon, seul gouvernement anarchiste qui ait jamais existé au sein d’une démocratie.
En 1936, leur syndicat, la Confédération Nationale du Travail (CNT), est le fer de lance du mouvement ouvrier révolutionnaire avec un million et demi de membres, parmi lesquels nombre de femmes voulant hâter le changement social attendu par elles depuis des siècles. Elles fondent au sein même du mouvement anarchiste, dont elles dénoncent le sexisme, une organisation féminine pour leur libération : les « Femmes Libres », convaincues comme leurs aînées Louise Michel, Voltairine de Cleyre ou Emma Goldman que la révolution ne peut advenir sans l’émancipation sociale, économique et politique des femmes.
Avec la défaite républicaine en 1939, leur combat précurseur va sombrer dans l’oubli sous la dictature franquiste et même après. Leur revue éponyme sera le porte-voix de cet ardent combat mené avec les paysannes et ouvrières de l’Espagne révolutionnaire. Elles y proclament que « sans la liberté des femmes celle des hommes ne vaut rien ».