Entre avril et juillet 1994, plus d’un million de Rwandais (environ 12 % de la population), dans leur grande majorité tutsis, furent exterminés par des éléments de l’armée et de la gendarmerie, par les miliciens Interahamwe et aussi par leurs voisins. Pour tenter d’expliquer l’efficacité meurtrière de ce quatrième génocide du XXe siècle, trop de commentateurs occidentaux convoquèrent les stéréotypes de la « sauvagerie tribale africaine » en refusant d’analyser un régime justement qualifié de « nazisme tropical » par le grand historien Jean-Pierre Chrétien. Le mystérieux attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana le 6 avril au soir, imputé sans la moindre preuve « aux Tutsis », a été invoqué pour justifier une prétendue « colère populaire spontanée » qui aurait été massive et incontrôlable. Or ce narratif se révèle fallacieux : l’attentat n’est pas la cause du génocide. Le « crime des crimes » est l’aboutissement d’une idéologie raciste attisée, depuis l’indépendance du Rwanda, par une mafia politique et militaire hutue décidée à monopoliser le pouvoir, quel qu’en soit le prix. Si des hommes et des femmes « ordinaires » ont participé au génocide des Tutsis et à l’extermination simultanée des démocrates hutus, il y avait, parmi ceux qui portent la plus lourde responsabilité, les donneurs d’ordres en place dans les coulisses du pouvoir, mais également ceux qui étaient présents sur les scènes des crimes. L’ouvrage met en lumière la personnalité et l’itinéraire de douze d’entre eux, condamnés par la justice pénale internationale au terme d’enquêtes soigneusement documentées et de procès équitables.