Avec Bergson
Frédéric Worms
Editeur: PUF
« Dès que l’on aime ce qu’il y a de meilleur dans la vie, on devient indifférent à la mort » La philosophie de Bergson distingue toujours deux aspects ou deux sens de « la vie ». Il y a d’abord la contrainte vitale, ou mortelle, le besoin. « Primum vivere » (c’est la devise que Bergson ne cesse de citer) : d’abord survivre. Cela explique, par exemple, en l’être humain, la primauté de l’action et de la pensée qui se règle sur elle, l’espace, la technique et la science, avec leur vérité propre. Mais cette contrainte vitale nous cache un autre aspect de la vie : l’acte intérieur, qui lui permet non seulement de se maintenir mais aussi de se diversifier et de se créer dans le temps, acte présent dans chaque vivant et dans « la vie » non pas comme abstraction mais elle-même comme « élan » sur notre planète et dans l’histoire aussi des vivants humains. La vie n’est pas seulement lutte contre la mort, mais acte créateur, voici ce qu’a toujours dit Bergson, depuis la distinction entre la « durée » et l’espace (dans son premier livre) jusqu’à celle (dans son dernier livre) entre la morale close, tournée vers la guerre à cause de la limitation de la vie, et la morale ouverte, qui en retrouve l’élan, chez quelques hommes de bien qui sont, pour cette raison, prêts à accepter la mort ! Ainsi, l’aphorisme inconnu confirme tout cela : on est tourné d’abord vers la limite de la vie, et la mort nous obsède. Mais il y a un autre aspect de la vie, qui est si fort, qu’il oublie même de penser à la mort. Ainsi, cette phrase confirme toute cette philosophie, si souvent méconnue sur cette thèse centrale et ses enjeux vitaux, tout ce que Frédéric Worms a tenté de montrer depuis trente ans, et dont le présent recueil cherche à témoigner.