C’est le reliquat de la guerre civile chinoise (1946-1950) et de la Guerre froide. À quelques kilomètres seulement des côtes de la République populaire de Chine, aux portes de la province continentale du Fujian, le drapeau de la République de Chine (Taiwan) flotte encore sur le petit archipel de Kinmen (Quemoy).
Lors de sa débâcle vers Taipei, en 1949, Chiang Kai-shek était en effet parvenu à maintenir les troupes de l’armée nationaliste sur ce bouquet d’îles côtières, de l’autre côté du détroit de Formose par rapport à l’île de Taiwan, au risque de faire basculer le monde par deux fois dans une guerre nucléaire pendant les années 1950. Réceptacle fugace de l’attention internationale, l’archipel de Kinmen – pas plus grand que le Liechtenstein, et peuplé de quelques dizaines de milliers d’habitants – est toutefois rapidement tombé dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’invasion russe de l’Ukraine, en 2022, n’en fasse, par transposition souvent maladroite, un objet de curiosité et de craintes.
Or, par-delà le prisme de l’affrontement militaire passé ou à venir, Kinmen invite avant tout à décentrer le regard porté sur la Chine et sur Taiwan. Entre les deux rives du détroit de Formose, au-delà de la fameuse ligne médiane, ce petit archipel arraché au continent au milieu du XXe siècle met depuis au défi l’histoire, le politique et la géographie en matière d’édification stato-nationale dans le monde sinophone – et ce, non sans enseignements à tirer à l’échelle globale.
La lecture de cet ouvrage s’impose à qui veut comprendre la question sino-taiwanaise et la menace qu’elle fait peser sur la paix mondiale, en ces temps dangereux. Et aussi à qui veut reprendre à nouveaux frais le rapport de l’État à la nation, dans une perspective comparative.