La question du jugement philosophique, en premier lieu sous sa déclinaison esthétique, doit aujourd’hui être posée dans le contexte d’une globalisation qui s’offre comme privatisation accélérée du monde et esthétisation pathologique du politique et de l’économie. La découverte de la dynamique dialogique de l’art, comme source de l’imagination, par l’idéalisme allemand, a également montré qu’elle était source de la vie mentale, et à l’origine de la vie sociale.
Cette dynamique étant nécessairement présente en chaque culture, l’expérience de l’art et le jugement qu’elle instaure appellent la tenue d’un dialogue transculturel. Repenser le jugement esthétique dans ce contexte, c’est aussi faire place à l’hétérogénéité et la pluralité des diverses formes du dire philosophique et s’y montrer hospitalier, à travers la figure du philosophe-artiste tel qu’il défie par sa pratique la réduction de la pensée à la simple discursivité formelle, accueillant dans son propos les ressources de la métaphore, du symbole et de la narration au profit de la création philosophique.
Dans ce dire, on découvre qu’une philosophie du jugement se soutient d’une philosophie de l’expression, et qu’elle ouvre l’horizon d’une reconstruction transculturelle de la justice.