Victoire féministe, l’allongement du délai légal de l’interruption volontaire de grossesse confère aux femmes une autonomie corporelle qui semble a priori peu compatible avec l’attention portée aujourd’hui à l’embryon et au fœtus. Ceux-ci, grâce aux progrès de l’imagerie médicale et des biotechnologies, s’imposent comme des êtres sociaux, inclus dans des dynamiques parentales, médicales et juridiques. Dans ce contexte apparemment paradoxal, comment la société française met-elle en place des procédures de régulation, d’organisation et d’institution qui tentent de concilier autonomie féminine et vie anténatale ? Pourquoi le fœtus avorté à la quatorzième semaine de grossesse est-il qualifié de « déchet anatomique », tandis que, décédé lors d’une fausse couche une semaine plus tard, on délivre à leur demande aux parents un acte d’enfant sans vie ? Comment interpréter les statuts variés de l’être avant la naissance, entre « protopersonne » et résidu d’un processus biotechnique, entre « quasi-enfant » et « pièce anatomique » ? À quel moment peut-on considérer les porteurs d’un projet parental comme « parents » ? Comment sont vécues les fécondations in vitro ou les morts périnatales ? Anne-Sophie Giraud, anthropologue de la procréation au CNRS, répond à ces questions délicates et parfois polémiques à partir d’une vaste enquête portant sur les processus d’engendrement. Avec une grande rigueur scientifique et à l’aide de nombreux entretiens, L’Être anténatal démontre que l’engendrement doit être compris comme un processus de transformation physique et statutaire inscrit dans une temporalité propre et organisé autour de situations de choix.