Kate, journaliste anglaise, rencontre à Dieppe Michel, qui lui raconte la vie extravagante de ses ascendants, Russes blancs installés rue Lacretelle, dans le 15e arrondissement de Paris. On y rencontreun cheikh soufi, un médecin de la famille impériale, un avocat et un amiral que l’exil pousse au désespoir, une femme qui adore Mussolini et qui plus tard assassinera son amant suborneur, une autre éprise des beaux officiers nazis qui doivent débarrasser la Russie des « monstres rouges », quelques chauffeurs de taxi, des princesses et autres comtesses… Pour oublier la Révolution d’Octobre et la nostalgie de leur patrie bien-aimée, ces déracinés se retrouvent chaque samedi pour un Cirque costumé où ils chantent, dansent, boivent, et, quelquefois, se suicident.
Michel et Kate rendent souvent visite à Aram, peintre ayant pu quitter l’URSS parce que juif. Ils y fréquentent d’autres Russes fraîchement installés dans la région, des oligarques de passage malgré l’embargo, une «?ex-fonctionnaire?» du KGB, un chanteur d’opéra au chômage, l’une ou l’autre snob parisienne, et y dégoisent à propos de Poutine, de l’Ukraine, des Français, sans oublier MeToo, le prêt-à-penser à la mode. Pour couronner le tout, on évoque deux fameuses cantatrices et quelques douzaines d’amants homosexuels, dont un prêtre.Kate se passionne pour ces allers-retours entre présent et passé qui permettent de comparer les regards sur l’histoire au sein d’une diaspora russe issue d’émigrations différentes.
Comme toujours, Jasna Samic mélange allègrement des personnages de pure fiction et d’autres tout à fait réels (on peut encore trouver sur le web des articles de presse sur cet assassinat qui a défrayé la chronique parisienne, commis par une princesse russe qui était réellement la mère du narrateur).Jasna Samic, née à Sarajevo, partage sa vie entre Paris et sa ville natale. Islamologue, spécialiste des langues, littératures et civilisations orientales, elle écrit en français et en bosnien. Ses ouvrages ont obtenu plusieurs distinctions internationales, dont, en Belgique, le prix Gauchez-Philippot pour son roman Portrait de Balthazar (M.E.O.), le prix du public du Salon du livre des Balkans, le prix chinois Zheng Nian Cup… Elle est titulaire du prix Naji Naaman pour l’ensemble de son œuvre.