Juger les tableaux – évaluer leur qualité, estimer leur prix – relève de nos jours d’une expertise spécifique, aux mains d’acteurs vers lesquels se tournent les salles de ventes, les musées ou les propriétaires de collections. Mais cela n’a pas toujours été le cas. À Rome, au XVIIe siècle, cette compétence fait en effet l’objet d'une farouche concurrence entre différents groupes qui s’affrontent notamment en vue d’accéder au statut de conseiller à la cour des grands collectionneurs. Alors qu’émerge progressivement un marché des tableaux et que la circulation des œuvres s’amplifie, savoir estimer leur valeur devient une qualité essentielle. Si l’évaluation du prix est traditionnellement un rôle dévolu aux peintres, qui s’estiment les uns les autres au sein de leur corporation, l’émergence de critères commerciaux nouveaux tend à saper l’autorité de la profession en matière de jugement.Cet ouvrage s’intéresse au processus de captation de cette expertise, qui se détache du savoir-faire des peintres au profit de courtisans spécialisés dans le conseil en matière de peinture. À la croisée de l’histoire, de l’histoire de l’art et de la littérature, il vient analyser, à travers l’exemple romain, la manière dont le jugement artistique s’est formalisé dans l’histoire en s'éloignant de la pratique pour reconfigurer les critères de valeur et d’appréciation des œuvres d’art.