Les peuples autochtones, détenteurs de savoirs locaux, sont de véritables sentinelles des bouleversements climatiques qu’ils observent et auxquels ils s’efforcent de s’adapter depuis plusieurs décennies. Face aux enjeux complexes de la crise environnementale, des communautés impliquant experts autochtones et chercheurs interdisciplinaires se sont formées pour coproduire de nouveaux savoirs. Pourtant, si la coproduction entre savoirs locaux et sciences est un concept qui prend de l’essor, sa méthodologie et surtout l’éthique qu’elle nécessite sont rarement définies.
Les régions arctiques et subarctiques, où chasseurs, pêcheurs et éleveurs font face à un dérèglement climatique au rythme accéléré et où comités de cogestion et reconnaissance des savoirs locaux existent depuis plusieurs décennies, sont un des lieux d’observation privilégiés des auteurs. Navigateurs du Pacifique, cultivateurs et éleveurs de l’Himalaya, pasteurs du Sahel, représentants autochtones au sein des grandes réunions internationales sur le climat livrent également, dans cet ouvrage, leurs savoirs et analyses critiques. En étudiant rétroactivement leurs échecs et réussites, les auteurs tentent, à partir d’expériences de terrain conjointes, de dégager les méthodes et principes éthiques de cette recherche dont les objectifs sont multiples :
– faire face aux asymétries de pouvoir, en instaurant entre les partenaires des relations engagées, équitables et bénéfiques au long cours ;
– réagir aux politiques publiques quand, sous couvert d’adaptation ou de résolution des conflits d’acteurs, elles élaborent de nouveaux protocoles ignorant ontologies et savoirs autochtones ;
– coproduire de nouveaux savoirs en conjuguant des connaissances issues de différents systèmes de savoirs, tout en mettant en relation les divergences d’ordre épistémologique et ontologique. .
En partant de situations concrètes issues de terrains divers, ce livre s’adresse en premier lieu aux peuples autochtones et scientifiques engagés dans la coproduction des savoirs, ainsi qu’aux enseignants, étudiants, chercheurs, gestionnaires d’espaces naturels et praticiens intéressés par cette approche. Il propose une méthode pour parvenir à une coproduction éthique et décolonisée des savoirs.