De toutes les leçons que nous donne l’histoire l’une des plus claires et des plus importantes, c’est que, partout et toujours, les peuples, partis à leur origine d’institutions théocratiques, ont tendu à séparer progressivement du pouvoir religieux le pouvoir civil, et à constituer à ce dernier une existence autonome. Sans remonter aux sociétés primitives, les sociétés chrétiennes, par la manière dont elles se sont formées et dont elles ont évolué, nous offrent de cette loi fondamentale une confirmation décisive.
Lorsqu’après les invasions barbares se formèrent les groupements sociaux desquels devaient sortir les nations modernes, la civilisation gréco-latine ayant péri tout entière, l’Église se trouva être le seul foyer de lumière et la seule autorité morale qui subsistât dans le monde. De la puissance considérable que lui donnait cette situation privilégiée elle usa, non pour des fins proprement humaines et universelles, mais pour des fins religieuses et pour sa propre grandeur. Il ne pouvait en être autrement, parce que ce qu’il y avait dans l’Église de vertu civilisatrice tenait uniquement à la tradition religieuse dont elle était dépositaire...