L’ordre établi par l’Église elle-même, quand elle civilisa les barbares, reposait sur la certitude que Dieu a révélé aux hommes, avec le christianisme, les lois conformes à leur nature et nécessaires à la vie des sociétés. Assurer à ces lois la fidélité des peuples paraissait le devoir essentiel des gouvernements. Par ses institutions fondamentales, le régime de la famille, l’enseignement, les devoirs des classes les unes envers les autres, l’État sanctionnait les préceptes chrétiens ; par les respects et les privilèges accordés au clergé, aux moines, aux corporations pieuses, il aidait à la durée et à l’accroissement de l’influence religieuse ; par ses contraintes il préservait contre la discussion, mère du doute, les dogmes et chaque précepte de l’Église. Qui se séparait de la société religieuse était retranché de la société humaine. Jamais la crainte d’attenter par la force à la conscience ne faisait trembler le fer dans la main de l’État. L’incrédule avait pour juge la foi générale. Pour cette foi qu’était-il ? Une volonté rebelle à son créateur. L’homme ne saurait prétendre à la liberté contre Dieu. Le droit n’appartenait pas à l’individu de choisir l’erreur et de la répandre : le droit appartenait à la société de défendre ses croyances nécessaires, d’empêcher qu’un Samson aveugle ébranlât les colonnes du temple.
Où la loi humaine veut obéir à la loi divine, le pouvoir politique tend à devenir le serviteur du pouvoir religieux...