La Vénétie était une province italienne, située au bord de la mer Adriatique, entre le Pô et les Alpes juliennes. L’origine des habitants de ce territoire, du temps même des Romains, se cachait dans la nuit des temps. Lorsque, dans le Ve siècle, Attila, roi des Huns, envahit cette belle contrée, les Vénètes fugitifs abandonnèrent les villes d’Aquilée, de Concordia, d’Altino et de Padoue, et cherchèrent asile sur les îlots formés dans le golfe Adriatique par une multitude de courants venus des montagnes : ils s’y bâtirent des habitations, se donnèrent des lois, et vécurent de la pêche et du commerce. Telle est l’origine de la ville et république de Venise. La durée d’un siècle suffit à ses habitants pour devenir un peuple aisé, industrieux et redoutable à ses voisins.
Venise est une force morale pour l’Italie ; elle est peut-être sous d’autres rapports une faiblesse. Il ne faut pas s’y tromper en effet : la Vénétie est une province italienne d’âme et de cœur, dont il serait puéril de vouloir faire revivre l’autonomie...
C’est à cause de Venise que l’Italie a pu mettre sa main dans une main allemande et signer un pacte imprévu avec une puissance qui naguère encore, lorsqu’elle n’avait pas été subitement éclairée par son ambition, était la première à lui disputer son affranchissement et ses frontières. C’est Venise qui a ruiné la cause de l’Autriche, qui l’a ruinée doublement, en disséminant ses forces et en détournant d’elle toute sympathie libérale. De bonne foi, s’il n’y avait eu Venise, la conscience universelle, la conscience française surtout n’eût-elle pas ressenti d’autres impressions ?