C’est à Pierre de Ronsard que la ruine romantique du prieuré Saint-Cosme doit sa renommée. Le poète en a été vingt ans le prieur : le cabinet de travail où il composait ses poèmes et la tombe où il a été inhumé en 1585 ont depuis longtemps attiré les visiteurs. Au début des années 2000, il fut décidé de redonner au lieu son épaisseur chronologique : la fouille du prieuré fut donc entreprise, ce qui constitua une formidable opportunité pour les archéologues, auxquels il n’est pas souvent donné d’explorer un site monastique dans sa globalité. La fouille, l’archéologie du bâti, l’anthropologie et l’analyse des sources textuelles et iconographiques ont été réunies pour élaborer le récit de l’itinéraire d’une communauté de chanoines réguliers au cours du temps. L’histoire de Saint-Cosme jette aussi quelques lueurs sur celle de Saint-Martin de Tours, un des hauts lieux de la chrétienté médiévale : en effet, le prieuré, fondé au début du XIe siècle par un chanoine de Saint-Martin, demeura jusqu’à sa suppression en 1742 dans la dépendance du chapitre tourangeau.L’archéologie a permis de remonter le temps au-delà du XIe siècle. Des études paléo-environnementales ont établi que, comme les sources les plus anciennes le mentionnaient, le site se trouvait bien sur une île de la Loire aujourd’hui disparue. Elle fut sporadiquement fréquentée dans l’Antiquité, en lien avec le pont qui franchissait alors le fleuve en s’appuyant sur l’île, mais il a fallu attendre la fin du VIIe siècle pour qu’une occupation pérenne voie le jour. Il s’agissait alors d’un domaine rural appartenant à Saint-Martin, qui y exploitait aussi une pêcherie. C’est là que fut fondé le monastère de Saint-Cosme, réutilisant dans un premier temps les infrastructures présentes sur les lieux, dont une chapelle en matériaux périssables. Le prieuré fut appelé à se développer à partir de la fin du XIesiècle, et l’on a pu en suivre sur huit siècles les constructions et les reconstructions, les réorganisations ambitieuses comme les phases de récession.Un des facteurs de son développement était qu’il fut considéré comme une maison médicale, pour les religieux mais aussi pour des laïcs. Les études de paléopathologie effectuées sur les 450 sépultures fouillées à Saint-Cosme ont, en effet, révélé les traces tout-à-fait significatives de pratiques chirurgicales avancées, comme des trépanations.La place de Saint-Cosme dans le système de soin médiéval tourangeau constitue donc un apport très important de cette fouille.