Tracts (N°66) - Discours pour le Prix de la paix des libraires et éditeurs allemands
Boualem Sansal
Editeur: Editions Gallimard
« Camus disait : “Écrire, c’est déjà choisir.”
Voilà, c’est ce que j’ai fait, j’ai choisi d’écrire. Et j’ai eu raison de le faire. »
Boualem Sansal.
Dans un pays qui n’a connu que la dictature, celle des armes et de la religion, la seule idée qu’on peut avoir de la paix est la soumission, ou le suicide, ou l’émigration sans retour. L’absence de liberté est une douleur qui rend fou à la longue. Elle réduit l’homme à son ombre et ses rêves à ses cauchemars. Le peintre Giorgio De Chirico disait cette chose troublante : « Il y a plus d’énigmes dans l’ombre d’un homme qui marche au soleil que dans toutes les religions passées, présentes et futures. » C’est possible, et sans doute vrai, mais il n’y a que de la honte et rien de mystique dans la douleur chez l’homme qui se réduit à son ombre. Qui n’est pas libre ne respectera jamais l’autre, ni l’esclave car son malheur lui rappelle sa propre humiliation, ni celui qui est libre car son bonheur est une insulte pour lui. Seul le désir de liberté le sauvera de la haine et du ressentiment. Sans ce désir consciemment porté, nous ne sommes pas des humains, il n’y a rien de vrai en nous.
B. S.