Il y a vingt ans, Dakar n’existait pas encore. Ce lieu renferme aujourd’hui les premiers éléments d’une ville coloniale française, — de grands magasins d’approvisionnement pour la marine, — une église, — des couvents et des casernes.
Sa position l’a fait choisir comme point de relâche des paquebots transatlantiques, et le gouvernement français y entreprend des travaux considérables dans le but d’y transporter bientôt la capitale de la Sénégambie.
La présence des bâtiments de commerce amène de temps à autre sur les quais de Dakar un certain mouvement de la population noire, mais, le plus souvent, c’est dans la ville un grand calme et un grand silence. Des cases de bois, disséminées au milieu de jardins dévorés par le soleil, servent de logement au personnel de la colonie ; ce sont les habitations des fonctionnaires français et de quelques familles de mulâtres. Un ravin profond sépare la ville des blancs de la ville des noirs ; la seconde, beaucoup plus peuplée que la première, est plus bruyante.
Des milliers de huttes de chaume, grandes à peu près comme des ruches d’abeilles, se pressent sur le sable aride, et on n’aperçoit à perte de vue que leurs toits pointus.
Feu Mahommed Diop, roi de Dakar, avait eu son époque d’indépendance, et joué autrefois son rôle dans les destinées de son pays. Une ombre de respect s’attachait encore à ce grand vieillard de six pieds, et le gouvernement français avait quelques égards pour sa personne. Mais son successeur, tout à fait déchu, n’a plus qu’un attrait grotesque. Les étrangers sont fort bien venus dans sa case ; ses favorites et lui-même sont avides et prélèvent toujours un tribut sur leurs visiteurs.
La demeure du roi de Dakar se distingue à peine de celle du dernier de ses sujets ; quatre planches surmontées d’un grand dôme de paille composent tout l’édifice. Des guirlandes de citrouilles-calebasses couvrent cet ensemble de leurs feuilles jaunes...