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grande couv
La marquise de Sade
Rachilde
Editeur: La Gibecière à Mots
2,99 €

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Rachilde (1860-1953)

"La petite fille se faisait tirer par le bras, car la chaleur de ce mois de juillet était vraiment suffocante. Elle voyait, de loin en loin, des places très désirables dans les fossés de la route, des places où une petite fille comme elle eût trouvé autant d’ombre et autant d’herbe qu’elle en pouvait souhaiter. Mais la cousine Tulotte marchait à grands pas, sans ombrelle, tirant toujours, ne soufflant jamais, insensible aux rayons brûlants du soleil.

– Tulotte ! déclara tout d’un coup la petite, j’ai trop chaud, je ne veux plus...

– Allons donc ! cria mademoiselle Tulotte, est-ce qu’une fille de militaire doit reculer ? Nous avons fait la moitié du chemin. Ta mère n’est pas contente quand tu restes à la maison. Il te faut de l’exercice, tu deviendrais bossue si on t’écoutait. Ah ! tu es une fameuse momie !

L’idée fixe de la cousine Tulotte était que les enfants deviennent bossus lorsqu’ils annoncent des goûts sédentaires. Elle avait la plus triste opinion de cette petite Mary qui demeurait des journées entières à rêver dans les coins noirs, la chatte de la cuisinière sur les bras, berçant la bête avec un refrain monotone et pensant on ne savait quoi de mauvais.

Mary s’arrêta prise de colère.

– Non, je ne veux plus ! répéta-t-elle en enfonçant ses ongles dans le poignet de la cousine.

Celle-ci fit un haut-le-corps d’indignation.

– La voilà qui me griffe, à présent !... fit-elle, et, si elle n’avait pas tenu de l’autre main une boîte au lait, elle eût vigoureusement corrigé l’irrascible créature.

– Je le dirai à ton père ! s’écria la cousine Tulotte."

Mary grandit, comme tous les enfants de militaire, au fil des garnisons. Son père est colonel du 8e hussard et sa mère une femme effacée et maladive. Un jour, elle assiste à la mort d'un boeuf dans un abattoir. Cette vision va la marquer...