Les anciens atomistes (Démocrite, Épicure, Lucrèce) n’ont pas dit leur dernier mot. Désavouées par la physique moderne, leurs idées n’ont cessé d’inspirer le naturalisme poétique. L’essai que Jonathan Pollock consacre à l’influence du poème didactique de Lucrèce (De rerum natura) sur la littérature occidentale moderne en apporte la démonstration. Mais si un très grand nombre d’œuvres, de Montaigne à Lacan en passant par Shakespeare et Mallarmé, portent le sceau de la poésie, c’est surtout en raison du primat qu’elles accordent aux phénomènes de mouvement et de métamorphose, et de leur mise en cause des régimes formels dominants. Plutôt que de filiation, il faudrait donc parler de contamination, de contagion. D’ailleurs l’esthétique atomiste n’est pas seulement fondée sur les sens, elle suppose aussi une rhétorique et une théorie (physique) du langage. C’est cette « physiopoétique », pour employer un mot de Démocrite, qui se perpétue et se développe chez les émules modernes de Lucrèce.