Voici un essai comme il y en a peu, et qu'il fallait sans conteste rééditer. Alliant une érudition très sûre avec une merveilleuse faculté d'étonnement, Jean Sgard nous guide dans l'oeuvre romanesque de Prévost, de Manon Lescaut au Monde Moral, en passant par Cleveland et l'Histoire d'une Grecque moderne, sans nous forcer la main, et sans jamais rompre le charme. Selon lui, les romans de Prévost sont des labyrinthes absolus. Quoi qu'ils fassent, les êtres qui les habitent ne peuvent que s'y perdre et s'y égarer ensuite dans des souvenirs troubles. D'abord livrés aux passions, jouets des événements, allant d'exils en tempêtes, et de poursuites en trahisons, les narrateurs des treize romans de Prévost s'engagent finalement dans des récits complexes qui défient les ressources de la mémoire. L'évocation de leurs aventures et de leurs errances répond à une double quête : retrouver le fil de l'histoire et se trouver eux-mêmes. Mais si le romancier donne à penser, il préfère le vertige à la leçon de morale. Cet essai, dans lequel la précision et l'élégance le disputent à l'alacrité, est l'hommage passionné d'un grand lecteur, Jean Sgard, l'un des meilleurs spécialistes de la littérature française du XVIIIe siècle, Prévost, « ce génial menteur qui nous défie de loin ».