Cette troisième livraison de matières traite de la question du regard qui appréhende l'architecture et la ville, l'hypothèse étant que la manière de regarder est déterminante de toute conception architecturale. La question de la manière de regarder s'est en effet, en tant que telle, posée depuis qu'à la Renaissance la vision perspective est devenue une construction rationnelle : de ce moment, que d'aucuns appelleraient un moment fondateur, la vue est explicitement un paramètre de définition de l'architecture elle-même, qui permet notamment l'ancrage de toutes les problématiques scénographiques et pittoresques, liant veduta et position occupée par le spectateur. De plus, cette position du spectateur étant sujette à déplacement, rapide ou lent, avec ou sans moyen de locomotion, il en résulte une modification possible du point de vue à partir duquel peut être comprise aussi bien que conçue l'architecture. L'introduction d'un 'facteur temps', corrélatif de la mobilité, engage toute une suite de conséquences que l'on peut dire phénoménologiques : selon qu'un édifice est regardé rapidement, fugitivement même, ou selon qu'un spectateur s'y attarde, ses caractéristiques architecturales et urbaines pourront ne pas être identiques et ses traits seront plus ou moins accentués en fonction de conditions particulières de perception, certains de ces traits pouvant même n'avoir plus aucune pertinence. Il y a donc une différence entre jeter un coup d'oeil, avoir une impression fugace, momentanée dans l'expérience d'un mouvement, et fixer longuement le regard sur un objet architectural, dans une présence sédentaire, recherchant l'accoutumance, presque une impression tactile : dans ce cas, le face à face avec la matière devient une expérience sensible que certaines architectures des temps présents nous invitent à éprouver.