Athée & Juif
Jérôme Segal
Editeur: Editions Matériologiques
Contrairement à une opinion commune, les termes « juif » et « athée »
ne sont pas incompatibles. Sous la forme d’un essai tout à la fois
argumenté et engagé, ce livre évoque la richesse de l’identité juive
dès lors qu’elle s’émancipe du poids de la religion. Car il existe bien une
identité juive culturelle, pluriséculaire, en perpétuelle évolution, libérée des
dogmes religieux archaïques. À l’inévitable question « Qui est juif ? », l’auteur
apporte une réponse éloquente : est juif qui se dit juif, quelles que soient
ses raisons, culturelles, familiales ou philosophiques.
Clairement distinguée du judaïsme, la judaïté – la diversité des manières
d’être juif – devient alors passionnante. Pour beaucoup, elle se vit sous la
forme d’une solidarité essentielle, contribuant à la mise en place d’un nouvel
humanisme dont l’Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de
Pologne et de Russie – le Bund – en fut, à la fin du XIXe siècle, un précurseur
héroïque. Cet humanisme s’inscrit dans un mouvement séculaire
de désaliénation vis-à-vis du religieux, dont Spinoza fut l’un des premiers
acteurs, préfigurant en cela le siècle des Lumières. Pour d’autres encore,
judaïté rime avec cosmopolitisme et modernité – c’est précisément
pourquoi
l’historien Yuri Slezkine put nommer le siècle dernier le « siècle juif », au sens
d’une identité universellement partageable car non exceptionnaliste et non
essentialiste, par conséquent non hégémonique.
Dans une époque marquée par un déchaînement xénophobe et l’essor
des communautarismes,
l’approche prônée par Jérôme Segal est salutaire :
un appel à se délivrer des identités turbides et rigides, afin d’endosser des
identités fluides et évolutives, libératrices. Cet essai peut ainsi se lire comme
une invitation à des développements similaires, et à des rapprochements,
dans d’autres milieux, notamment
musulmans.