« Il s’agit de l’ouvrage sur l’évolution le plus important qui soit paru depuis quelque temps », Charles Darwin, 1881.
Et si une forme de sélection naturelle interne pouvait aussi expliquer l’adaptation des parties d’un organisme?? Et si les molécules, cellules, tissus et organes étaient pris dans une lutte pour la survie?? Cette extension du domaine de la lutte, c’est l’hypothèse audacieuse que le jeune Wilhelm Roux, appelé à devenir le fondateur de l’embryologie expérimentale, explore en 1881 dans La Lutte des parties dans l’organisme.
C’est donc un projet unificateur inédit pour son temps, et d’une grande modernité. Mais bien qu’influencé par les idées de Charles Darwin, il en est pourtant un prolongement rebelle, voire ambigu. Cette richesse témoigne des débats de la fin de ce XIXe siècle scientifique, qui accueillit progressivement la théorie darwinienne de l’évolution mais ignorait encore largement les lois de l’hérédité génétique. Les idées de Wilhelm Roux inspireront des biologistes parmi les plus grands, tel August Weismann, et certaines d’entre elles pourraient bien être, encore aujourd’hui, de prometteuses pistes de recherche. Son rayonnement est même plus large encore?: on sait que cet ouvrage fut, pour Friedrich Nietzsche, le texte qui lui ouvrit les portes de la physiologie et une des sources majeures de son concept de volonté de puissance.
La Lutte des parties dans l’organisme est un document historique de premier plan, l’expression d’une pensée foisonnante et libre, et parfois même une œuvre visionnaire, qui est à découvrir ici, dans sa première traduction française.
Wilhelm Roux (1850-1924), biologiste allemand, est l’un des fondateurs de l’embryologie expérimentale, durant la deuxième partie du XIXe siècle.
Thomas Heams est maître de conférences en génomique fonctionnelle animale à AgroParisTech. Il a codirigé le livre Les Mondes darwiniens (1re éd. 2009?; 2e éd. Editions Matériologiques, 2011).
Laure Cohort, Sonia Danizet-Bechet, Anne-Laure Pasco-Saligny, Cyrille Thébault, sont traducteurs allemand-français (École supérieure d’interprètes et de traducteurs – ESIT, rattachée à l’université Paris 3).