Une politique mondiale pour nourrir le monde
Marc Lebiez, Edgard Pisani
Editeur: Springer
La faim n'a pas disparu, et surtout elle pourrait s'étendre si l'humanité
va bien vers les neuf milliards d'individus au milieu du siècle. Il n'est
pas certain que le monde puisse nourrir le monde. Les experts
internationaux qui négocient dans le cadre de l'OMC sont convaincus que la
persistance de soutiens publics à l'agriculture dans certains pays est le
principal obstacle actuel au développement des plus pauvres. L'idée paraît
évidente, ce n'est pas pour autant qu'elle serait vraie. Pour qu'elle le
soit, il faudrait que les denrées agricoles puissent être produites et
échangées dans des conditions semblables à celles que l'on observe pour
les marchandises industrielles. Cela est plus que douteux. À supposer, en
second lieu, que les marchés agricoles puissent être entièrement soumis au
mécanisme du libre-échange mondial, celui-ci aurait pour effet (attendu et
même espéré) de ruiner les producteurs les moins rentables au profit des
plus rentables. Mais peut-on impunément ruiner la moitié des habitants de
la terre ? Le problème n'est même pas moral, il est concret: que
deviennent ces milliards de miséreux ? Certains se révoltent , d'autres
émigrent massivement, d'autres encore louent leur force de travail pour
des salaires infimes, provoquant la délocalisation de la quasi-totalité
des industries du monde, et la ruine des régions où elles étaient
installées. Edgard Pisani, dont on connaît l'action tant en
faveur de l'agriculture française et européenne que du développement, a
réuni une vingtaine d'experts – agronomes, démographes, hauts
fonctionnaires, économistes, banquiers, politiques, paysans – et il leur a
posé ces questions. Ils ont confronté leurs analyses en séminaire,
oralement et par écrit, sur l'essentiel, leurs visions s'accordent. La
conclusion peut être ainsi tirée par Edgard Pisani : une
agriculture moderne à dimension artisanale peut assurer la production des
denrées alimentaires nécessaires à neuf milliards d'humains, tout en
garantissant la survie économique d'un grand nombre d'agriculteurs dans le
monde.